vendredi 30 septembre 2005

Rouge SF

C'est le troisième anniversaire de notre union. Vous avez décidé de le fêter de façon exceptionnelle.
Tu m'as demandé de t'attendre sur la terrasse de ce bel hôtel contemporain. Les consignes sont strictes et précises. Je dois me présenter à partir de vingt-deux heures, muni d'une petite valise dans laquelle se trouve un équipement minutieusement préparé.
Je ne dois porter qu'une paire de chaussettes rouges.
Et me coucher sur un des transats, face à la ville, le dos à la piscine futuriste. Comme une vicitime offerte pour un sacrifice propitiatoire.
Une caméra numérique m'observe de son oeil cybermalicieux et enregistre le moindre de mes gestes.
Chanson de gestes hésitante qui ignore tout du scénario à venir.
A minuit je suis toujours seul. L'échine parcourue de quelques frissons taquins. Mon esprit divague un peu, mes pensées lunaires imaginent l'arrivée d'une soucoupe volante d'où débarquerait une nuée de barbarellas déchaînées.
A une heure du matin, une employée de l'hôtel, silencieuse et élégante - elle est vêtue d'une combinaison noire qui rend son apparition éphèmère -, m'apporte un plateau repas : petits biscuits suédois, café et vin chaud.
Cette collation ravive mes sens, j'ouvre la valise et me saisit d'un des livres apportés : le dernier opus de l'historien Robert Muchembled, L'orgasme et l'occident, une histoire du plaisir du XVIème siècle à nos jours, Paris, Seuil, 2OO5. Je l'ouvre aux pages 273-274 au chapitre "sous les voiles victoriens". Il y est question de flagellation, ce délicieux vice anglais.
Je dois apprendre le passage par coeur. J'aime en particulier l'énumération des outils de Mrs Theresa Berkley, installée au 28 Charlotte Street de 1828 à 1836 :
"Elle disposait d'une grande variété d'instruments : fouets flexibles ou à douze lanières, chat à neuf queues hérissées de pointes, sangles cloutées, plantes urticantes de toute nature et sommet du raffinement une machine à flageller de son invention, "le cheval de Berkley".
Deux heures du matin. L'employée revient. Un nouveau plateau sur lequel repose, inquiétant et majestueux un bouquet d'orties étiqueté produit bio, accompagné de cordes rouges. Comme si les fines pages du livres se matérialisaient. De 1836 à 2006...ou 2046 peut-être pour évoquer la wongkarwaïsation de l'atmosphère...
Couché sur le dos, je suis, sans un mot attaché sur le transat. Je tremble un peu au contact de ces mains inconnues, froides, sans émotion, quasi chirurgicales.
Trois heures du matin. Je vous attends toujours. J'ai froid. Je vous aime. Je le crie dans ma tête pour vous faire apparaître. Je commence à me métamorphoser. Je ne pense plus qu'à l'ornement de mes chaussettes rouges qui doivent briller sous la nuit. Je ne peux les voir. Mais je ne pense qu'à elles. Je suis ces chaussettes rouges.
Cinq heures. L'aube de mes douleurs s'invite. J'ai dû m'assoupir. Je sais que vous êtes là, je sens votre présence.
La correction a duré une dizaine de minutes. Les orties ont pénétré ma chair.
Fesses écarlates, zébrées, marbrées. Puis quelques pleurs rouges ont affleuré. Quelques gouttes, blessure, morsure d'amour. Assorties aux chaussettes.
Vous m'avez ensuite fait l'amour. Munie de votre belle ceinture noire, accessoire de nos théâtres secrets. Masques et Métamorphoses. J'ai repensé à l'âne d"Apulée. Ce livre que vous m'aviez offert. Mais ce matin je suis devenu votre jument. Votre Bête.
La saillie était retransmise en direct sur l'écran géant de l'hôtel.
Le personnel s'est amusé de ce spectacle tout en prenant son petit déjeuner.
A sept heures nous sommes rentrés à la maison. J'ai pu enfin vous voir.
Vous portiez une longue robe rouge, des bas blancs, des sandales à l'antique et un bandeau dans les cheveux. Ma Belle.
e. s'est effondré sur le lit dans les bras de M. et s'est libéré en génissant, en gémissant
e.
Bravo pour vos participations au concours pour construire un récit sur l'image du message précédent. Le jeu continue, nous attendons vos nouvelles contributions...

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Suprême de rouge.
Magnifique texte...

AURORA

Anonyme a dit…

Magnifique texte qui me laisse douce et muette, mon Amour. Je trempe ma plume dans le rouge-sang de mes blessures invisibles (écho tremblant des calligraphies empourprées de votre joli postérieur) : je vous aime. Très fort. C'est peut-être ce qui me fait parfois peur. Votre présence, même dans l'absence, m'accompagne.
Je vous rejoindrai le jour où vous le souhaiterez, où vous me l'ordonnerez, sur la terrasse du AÏE Hôtel, et vous couvrirez de vos gémissements les toits de la ville endormie...

M.

M. et e. a dit…

Merci pour ces hommages croisés qui me touchent.

Bon samedi à vous chère cousine aurora, chère soeur virtuelle : vous avez raison cela est difficile d'être jury...le choix sera douloureux.

A bientôt au "AÏ" mon amour, nous rêverons devant la forêt de bambous en attendant un autre rendez-vous plus secret...
Quant à vos blessures je veux aussi les partager avec vous. Comme je peux, avec mes maladresses, ma gauche - forcément - sincérité.
Je veux aussi vous offrir mes fesses pour de brillantes blessures, des marques sévères et réelles. Cela me plaît, vous le savez.
Je vous aiMe.

e.

M. et e. a dit…

Darling, allez faire un tour sur le site de "méli-mélo" on y trouve un petit canard complètement craquant. La famille risque de s'agrandir !
Bises

e.

Anonyme a dit…

Douceur/brûlure de l'attente avant d'autres plaisirs encore plus chauds...
Instants rouges.

Anonyme a dit…

besoin de verifier:)