jeudi 15 septembre 2005

La table est mise

J'ai lancé les invitations -le bristol surfe sur Internet-. Et repassé une nappe en lin. La table est mise : je vous attends.
Vitupérant coup de sonnette : vous-voilà. Sourire et bouquet de fleurs;
Odorantes violettes et flamboyantes jonquilles : j'ai décrypté le message.
Un verre de champagne pour dénouer nos gorges et faire pétiller nos yeux.
Dégustons-le tranquillement, nous avons tout le temps ce soir. Le ventilateur
Ronronne au plafond, et je me perds dans les profondeurs tranquilles de vos yeux verts.
Attention de ne pas trébucher. Ne pas me jeter dans vos bras, dans tes bras. Mais j'en rêve!!!
Il est l'heure de passer à table, de combler nos appétits, d'éteindre mes désirs inavouables.
Si tu savais à quoi je pense en te parlant tout bas... Si j'osais te parler...
Tomates rougissantes, petits radis croquants, les agapes démarrent, nous picorons en silence.
Et nos fourchettes se frôlent, se heurtent et s'enlacent sur le lit blanc de porcelaine.
Ma bouche se saoule de parfums, de sensations : mes lèvres embrassent les rondeurs délicates
d'Une noix de Saint-Jacques, mes papilles explosent sous les assauts d'un éclat de piment, et je
Rougis en caressant de ma langue la hampe de ce cèpe charnu, car je sens ton regard se troubler.
Mais nous restons silencieux, comme interdits devant l'insolence de nos gestes.
Une gorgée pétillante de champagne me donne le courage de mieux te regarder : tu te
Régales du sirop parfumé de la mangue, et, levant les yeux vers moi, tu m'invites à
m'Enivrer du lait capiteux d'une noix de coco.Je sens que je m'abandonne,que je m'engaillardis,que
Rien ne va plus m'arrêter. Ma langue s'aventure dans les replis délicats d'un anis étoilé, en
Quête de saveurs inédites. Ma raison bascule. "Veux-tu y goûter ?"m'entend-je murmurer ?
Un instant, tu sembles hésiter. Ta main se tend, et soudain je me sens comme nue, si fragile,
Est-ce que tout va enfin basculer ? Tu as pris la bouteille de champagne et tu me ressers.
Je baisse la tête, les assiettes virevoltent sur la table, dans un tourbillon d'ors et de lumière
Etrange sensation : j'entends le feulement d'un lion dans la sombre épaisseur d'un sous-bois.
Très lentement, on dirait qu'il se rapproche, et sa plainte étouffée me rassure et m'entraîne.
Avec lui je veux glisser dans les plaines africaines, tremblant au rythme de lointains tambours,
Imitant son râle, me laissant gagner par ses feulements, accrochée à sa courte crinière blonde
Mon corps serpente entre les hautes herbes, comme une liane humide où les lions vont boire,
Epanouie et immobile, je me laisse envahir par la douce quiétude de cet étrange soir.
(C'était il y a longtemps, nous nous écrivions déjà, correspondances magiques qui laissaient présager la beauté et la force de ce que nous vivons aujourd'hui...)
M.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Texte magnifique. Je n'ajoute rien. Ce serait surfait.

Amitiés,

AURORA

M. et e. a dit…

Superbe...écrivons encore et faisons vivre les mots et les images de nos rêves.
A bientôt pour la découverte de nouveaux hôtels...