lundi 26 septembre 2005

Dans l'intimité d'un boudoir-écritoire...

C'est sans doute le plus grand plaisir de ce festival de la correspondance, un plaisir très enfantin, très joueur : la découverte des multiples écritoires disséminés dans l'ensemble de la ville. A chacun son style, son ambiance, son atmosphère. Et l'exercice d'écriture se transforme en voyage merveilleux et plein de surprises, poussant l'écrivain en herbe à adapter le contenu de ses lettres à la géographie cahotique, tour à tour exotique et poétique, de ces multiples lieux d'écriture... Sur la Place de la Mairie, dans le coeur palpitant du vieux Manosque, se dresse l'écritoire HLM crée par Jean Lautrey. Construction de bric et de broc, c'est un vrai immeuble miniature qui s'élève sous les ramages des platanes et offre au visiteur son intérieur délicieusement rétro : cuisine des années 50 où se mitonnent des correspondances gourmandes, salon cosy où l'on gribouille volontiers en observant les passants et les clients du bar d'à côté. Tout en haut, niché entre ciel et ville, la terrasse allongent ses transats aux rêveurs sur feuilles blanches ou aux pique-niqueurs opportunistes... Au fin fond de la Rue Guilhempierre, se cache l'écritoire médiéval. J'y ai retrouvé le plaisir lointain et fantasmé de l'écriture à la plume : le plongeon délicat de la plume dans l'encrier, le petit geste assuré pour éliminer le surplus d'encre, et la danse poétique de la pointe d'acier sur le papier blanc : pleins et déliés, ronds de jambes, pirouettes... Le plaisir est dans le geste, l'inspiration importe peu, et l'on contemple émerveillés les mots les plus banals magnifiés par la leste écriture. Parfois, la main hésite, la plume dérape, l'encre coule, se répand. Il faut alors jouer du buvard, tamponner, essuyer, c'est le retour aux dessins de l'enfance. On invente des histoires. Les tampons font surgir des chevaliers magnifiques vêtus de pourpre sur l'écran de papier. Ils s'agenouillent aux pieds de la Dame aimée, se préparent au combat et reviennent victorieux. Mais déjà il faut partir, changer de lieu, d'époque, d'univers : récits de voyages incongrus rédigés à la hâte sur l'accoudoir d'un pousse-pousse qui arpente les rues sinueuses de la ville, histoire sans fin sous les trombes d'eau d'un écritoire parapluie-fontaine, ou romantique déclaration d'amour, à la douce lumière d'une petite lampe dans le boudoir-écritoire d'une arrière-boutique... Inutile de choisir, tout est possible... Difficile d'achever ce voyage épistolaire, difficile de poser le point final, la joie boulimique est toujours là. Tiens, demain, j'écrirai une petite lettre à e. Par delà les toits des quelques maisons qui nous séparent, un petit message à confier au facteur, scénario débridé pour une soirée en tête à tête, qu'il aura la surprise de dénicher dans sa boîte aux lettres...

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Ah! Le point final...
Il est tout aussi terrible que l' "angoisse de la page blanche" !

AURORA

M. et e. a dit…

J'aime beaucoup ce que vous écrivez chère M...et j'avoue mon faible pour le bois, les encres et les tampons de l'écritoire Médiéval. De quoi, si besoin était, fouetter nos imaginations, et libérer le pont-levis de notre curiosité...

Anonyme a dit…

M.,

Je suis confuse pour le commentaire "disparu" et vous donne chez moi la seule explication qui me semble plausible puisque je l'avais bien vu et lu moi aussi.
Cordialement,

AURORA

M. et e. a dit…

Merci pour vos suberpes lettres manosquines !
Je vous M.